La valeur d’une chose renvoie, écrivais-je dans le premier billet de cette série, à son prix sur le marché, à sa qualité intrinsèque ou à l’importance qu’on lui accorde. De très nombreux sondages permettent de le constater.
L’importance de l’éducation
Les sondages portant sur l’importance de l’éducation sont sujets à caution parce qu’ils font appel à la désirabilité sociale. Ainsi, en 2011, la Fondation Chagnon a demandé aux Québécois: « Selon vous, est-il important ou non…
- d’assurer une bonne connaissance de la lecture, de l’écriture et des mathématiques?
- d’acquérir les habiletés pouvant mener à l’obtention d’un bon emploi?
- De développer une attitude disciplinée par rapport aux études ?
- D’acquérir les habiletés permettant de fréquenter un collège ou une université? ».
Entre 92% et 98% ont répondu : oui! Évidemment!
Plus pertinentes et plus informatives sont les questions qui obligent à juger de l’importance relative de divers éléments ou de les hiérarchiser. Ainsi, révèlent systématiquement les sondages, on accorde plus d’importance à l’apprentissage du français et des mathématiques qu’aux arts et l’enseignement de la religion.
Plus révélatrices encore sont les questions qui permettent de comparer l’importance accordée à l’éducation en regard d’autres aspects. Ainsi, la même Fondation Chgnon a en septembre dernier posé la question suivante : « Parmi les éléments suivants sur lesquels nos décideurs publics pourraient travailler au cours des prochaines années, lequel devrait constituer une priorité? » Chaque répondant devait choisir dans une première liste de quatre éléments le plus important des quatre et le moins important. L’opération a été reprise plusieurs fois de manière à ce que tous les éléments soient ainsi comparés à tous les autres. Voici le résultat:
- La santé : 25%
- L’éducation : 19%
- Le niveau de taxation et d’impôt : 13%
- La pauvreté : 13%
- Le chômage : 12%
- Les changements climatiques : 7%
- La violence : 6%
- La petite enfance : 5%
L’éducation a donc été choisie comme l’élément le plus important dans 19% des cas. Cette réponse est-elle satisfaisante? Peut-être pas. En 2010, la Fédération autonome de l’enseignement a invité les répondants à se prononcer sur l’affirmation suivante: « Le gouvernement pose déjà assez d’actions pour la promotion et la valorisation de l’école publique. » 56% se sont dits en désaccord.
De son côté, la Centrale des syndicats du Québec a demandé en 2006 : « Diriez-vous que le présent gouvernement du Québec accorde suffisamment d’importance à l’éducation, trop ou pas assez? » 70% ont répondu : « Pas assez ». Si ces réponses ont pu réconforter les syndicats dans leurs revendications, elles étaient en revanche peu engageantes pour les répondants. J’y reviendrai.
La qualité de l’éducation
En 2008, la Fédération des commissions scolaires du Québec a posé cette question : « De façon générale […], diriez-vous que les écoles PRIMAIRES du Québec sont:
- de très bonnes écoles;
- d’assez bonnes écoles;
- des écoles plutôt mauvaises;
- de très mauvaises écoles ? »
La bonne nouvelle est qu’au total 92% ont répondu positivement. La moins bonne est que 72% ont dit : « d’assez bonnes écoles ». Bref, un jugement de valeur plutôt mitigée : c’est l’équivalent d’un D, au mieux d’un C !
Claude Lessard qui préside le Conseil supérieur de l’éducation a fait remarquer aux Grandes Rencontres que l’école publique est dévalorisée par rapport à l’école privée. Les sondages lui donnent raison. En 2008, Le Devoir a demandé aux Québécois : « Selon vous, laquelle de l’école privée ou de l’école publique offre aux jeunes la meilleure formation ? » 55% ont répondu : l’école privée et 33% ont dit que la qualité était la même. Cette tendance est une constante.
La valeur marchande de l’éducation
La valeur de l’éducation équivaut au prix qu’il en coûte à l’État et donc aux citoyens pour se la procurer. Évidemment, il ne s’agit pas à proprement parler d’une valeur « sur le marché » puisque l’État est en situation de quasi-monopole. Il faut plutôt parler de sa capacité de payer, mais aussi des choix prioritaires qu’il fait entre ses différentes missions. Certes, les sondages sur les priorités gouvernementales ne font pas directement référence aux choix budgétaires. Quoi qu’il en soit, l’éducation ne tient généralement pas la première place. Loin de là: généralement, moins de 10% lui accordent la première place.
Quand la Fondation Chagnon a demandé en 2011 aux Québécois s’ils seraient disposés à « payer plus d’impôt afin d’améliorer le système d’éducation au Québec », elle a frappé cette fois dans le mile: 40% ont répondu oui. C’est pas mal. Pourtant, 70% ont déjà répondu que le même gouvernement n’accordait pas suffisamment d’importance à l’éducation. Bref, on est pour le bien, à la condition que cela ne fasse trop mal à son porte-monnaie!
L’ensemble de ces résultats laisse perplexe. Pour ma part, la donnée la plus révélatrice de tous ces sondages porte sur le jugement que portent les Québécois sur la valeur qualitative de l’école publique. Et celle-ci est à leurs yeux plutôt, disons, ordinaire.
Note: on pourra pour une vision générale des sondages publiés avant 2009 consulté la banque de données opineduq.ca téléchargeable sur PC. Une édition nouvelle accessible directement en ligne sera disponible au printemps 2014.
Demain: 5- La valorisation de l’éducation en chiffres