Archives mensuelles : novembre 2013

LA TAXE FONCIÈRE SCOLAIRE : UN DOUBLE ENJEU FINANCIER ET POLITIQUE

Les sondages font partie de l’arsenal  politique. Ils servent généralement à augmenter le rapport de force des acteurs sociaux en interaction. L’actualité nous en fournit un bel exemple. 

Vendredi dernier en effet, la Fédération des commissions scolaires du Québec a publié  le résultat d’un sondage Léger Marketing dans lequel on a posé la question suivante à 1220 personnes :

« Les commissions scolaires tirent une partie de leur budget de fonctionnement de la taxe scolaire, dont le montant, évalué à un milliard et demi de dollars, est établi en fonction de l’évaluation des immeubles.  Seriez-vous favorable au remplacement de la taxe scolaire par un impôt sur le revenu d’un montant équivalent? »

Les réponses se distribuent comme suit :

  • 45% défavorables,
  • 27% favorables
  • 28% ne savent pas ou ont préféré ne pas répondre.

En ne tenant pas compte de ces 28% d’indécis, une majorité, soit 63%, se déclare défavorable.  Toutefois, cette majorité n’a certainement pas la force que représenterait un franc 68%. Il s’agit certes d’une tendance, mais l’importante indécision des répondants montre bien que l’enjeu n’est pas encore très clair dans l’esprit d’une bonne partie de la population.

Au surplus, il est possible qu’il faudrait lever un milliard et demi de dollars en impôt pour remplacer la perte de revenu de la taxe foncière. Mais  les contribuables dont le compte de taxe scolaire  a augmenté cette année de 800$,  et qui ont trouvé la chose indécente, ne seraient évidemment pas plus heureux de voir leur impôt sur le revenu augmenter de ce même montant. Mais serait-ce vraiment le cas? Rien n’est moins certain.

En effet, l’impôt est généralement plus équitable parce que précisément lié au revenu.   Il s’applique au surplus à tous et non seulement aux propriétaires d’immeubles. Il n’est donc pas du tout certain que le  milliard et demi de dollars dont il est question dans ce sondage serait réparti de la même manière entre les citoyens.

Pour ma part, l’impôt scolaire foncier m’apparaît un anachronisme. Il est  né au 19e siècle dans un Québec rural où n’existait pas l’impôt sur le revenu. Celui-ci  a été imposé par le fédéral en 1917 et par le Québec en 1954 au Québec, bien que le droit d’en lever fut au départ une prérogative provinciale.

Néanmoins, l’abolition éventuelle de l’impôt foncier scolaire touche le régime général de fiscalité des Québécois. Il touche aussi l’institution politique qu’est la commission scolaire. En effet, son pouvoir d’imposer cet impôt légitimise l’élection des commissaires au suffrage universel, car selon le vieil adage « No taxation without representation ».

Ajout. J’aurais plutôt dû écrire dans ce cas-ci: « No representation without taxation »!

Et cette légitimité est sans doute le principal enjeu de ce débat.

L’ADMINISTRATION DE L’ÉDUCATION COÛTE-T-ELLE TROP CHÈRE?

Combien dépense-t-on pour l’administration centrale de l’éducation au MELS. En 2012-2013, dernière année où le ministère était responsable aussi de l’enseignement supérieur, elle a coûté 187 003 millions, soit 1,17% du budget total de ce ministère qui s’élevait à 15 975,5 milliards. Et 1263 fonctionnaires étaient affectés à cette administration. Comme le précise le budget de cette même année, « l’essentiel de ce budget, soit 98,8 %, est affecté à des dépenses de transfert, principalement aux réseaux de l’éducation ».

Le budget du MELS de 2012-13 comprenait en fait sept programmes auxquels on a affecté les sommes suivantes :

  1. Administration et consultation : 187 003 millions,
  2. Organismes dédiés à des programmes de formation spécialisés : 26 020 millions
  3. Aide financière aux études : 568 675 millions
  4. Éducation préscolaire et enseignement primaire et secondaire : 9 002 451 milliards
  5. Enseignement supérieur : 5 118 350 milliards
  6. Développement du loisir et du sport: 63 745 millions
  7. Régimes de retraite : 1 009 283 milliard

Total : 15 975 529 milliards

Pour l’année en cours, le budget du MELS, délesté de l’enseignement supérieur, est passé à 10 205 363,9 milliards  dont 138 023,7 affectés à l’administration, soit 1,35%. La part du lion est allée aux transferts aux commissions scolaires soit 9 141 354,8 milliards ou 89,6%.

Au coût de l’administration centrale de l’éducation, il faut ajouter  la portion du budget des commissions scolaires et des établissements de l’enseignement supérieur qui va aussi à l’administration.

Dans un rapport publié en 2010, le Vérificateur général a constaté que les dépenses administratives des sièges sociaux des commissions scolaires (à l’exclusion donc de celles des écoles elles-mêmes) s’élevaient deux ans plus tôt à près de 6% de leurs dépenses totales. La Fédération des commissions scolaires confirme ce constat. Elle estime que ces coûts de gestions sont « les plus bas […] pour une administration publique depuis 1998-1999 ».

Le Québec paie-t-il trop cher pour l’administration de l’éducation en comparaison avec les autres provinces canadiennes ou d’autres pays? La différence des systèmes scolaires et des méthodes comptables explique sans doute pourquoi je n’ai rien trouvé qui aurait permis de répondre à la question.

(Ajout. Sur la base d’un calcul provisoire, en divisant le coût total de l’administration des commissions scolaire s en Ontario et au Québec par le nombre d’élèves, il en coûte 694 dollars par élève chez nos voisins contre 445 dollars ici. Il existe par ailleurs un plus grand nombre de commissions scolaires en Ontario en raison d’un double système confessionnel (et neutre) et linguistique. Le cursus est de même de 13 ans en Ontario et de 12 au Québec en comptant l’éducation préscolaire. La prudence est donc de mise.)

Par ailleurs, la CAQ réitérait en fin de semaine son intention d’abolir les commissions scolaires en vue d’augmenter les dépenses pour les services directs aux élèves. Dès lors, l’administration des écoles reviendrait en partie au MELS et en partie aux écoles elles-mêmes dans une proportion qui n’a pas encore été chiffrée.

Le pari de la CAQ est qu’en confiant aux directions régionales du MELS (du moins je le suppose) certaines des fonctions administratives actuelles des commissions scolaires, on dégagerait des ressources pour les services directs aux élèves. Mais on ne sait pas combien au juste. Au surplus, on ne prend pas en compte  le fait que l’on remplacerait  par des fonctionnaires des gouvernements régionaux élus, abolissant ainsi une tradition qui remonte à 1829 et confirmée en 1841. Mais c’est un autre débat néanmoins incontournable. Et il est loin d’avoir été mené à bout.

Cela dit, la proposition de la CAQ d’abolir la taxe foncière scolaire, qui touche les revenus et non les dépenses,, n’est pas sans intérêt. D’ailleurs le gouvernement actuel flirte avec l’idée. Cette taxe a vu le jour dans le Québec rural au milieu des années 1840. Elle me paraît un anachronisme. Il se peut que les commissions scolaires y tiennent, notamment parce qu’elle justifie l’élection des commissaires. La question est de savoir comment on remplacerait le manque à gagner. La CAQ soutient qu’on réduira d’autant les dépenses en coupant davantage dans l’administration. C’est facile à dire, mais je me méfie de la pensée magique. 

D’UN MUR À UN AUTRE: LE RECOURS À UNE CLAUSE DÉROGATOIRE

Lundi dernier, le professeur et constitutionnaliste Daniel Turp proposait d’inscrire dès à présent une clause dérogatoire dans le projet 60 sur la Charte de vous savez quoi.

Le Devoir de ce matin a bien voulu publier la réplique que je lui donne sous le titre:

La réplique › Charte et clause dérogatoire – Une clause dérogatoire élèverait un autre mur

5- LA VALORISATION DE L’ÉDUCATION: LE PRIX QUE LE QUÉBEC Y MET

La valorisation de l’éducation passe ultimement par le prix que collectivement le Québec est disposé à payer pour ce bien. Quel est ce prix? On trouve la réponse dans les Indicateurs de l’éducation -Édition 2012 que publie annuellement le ministère de l’Éducation*.

Une des grandes réalisations de la Révolution tranquille est d’avoir investi massivement en éducation à la suite du rapport Parent paru il y a cinquante ans. Le portrait a  bien changé depuis. En 2011-2012, l’État québécois a en effet dépensé 15,5$ milliards pour l’éducation l’équivalent de 25,4% de ses dépenses totales. Telle est la plus récente mesure de nos efforts collectifs.

Toutefois, cette proportion a continuellement baissé, car elle était de 27,3% en 1997. En fait, toutes les autres missions de l’État ont connu une diminution. Seules les dépenses de la santé et des services sociaux ont fait un bond important : leur part est passée de 37,2% à 47,6%. Cet accroissement, soit dit en passant, reflète bien les attentes des Québécois qui, dans les sondages d’opinion, accordent constamment la priorité à cette mission.

Par ailleurs, en se comparant, on se console:  la part du PIB dévolue à l’éducation est en effet plus importante au Québec qu’ailleurs. De fait, en 2009-2010, le Québec y a consacré 7,7%, soit contre 6,7% dans le reste du Canada  et plus que l’Ontario (6,9%). Néanmoins la consolation est mince:, cette part a diminué partout.  En 1995, elle était chez nous à 8,1% au Québec contre 7% dans les autres provinces. 

Les statisticiens du MELS écrivent à ce propos :

« […] pour expliquer pourquoi le Québec a investi une plus grande part de son PIB dans l’éducation que le reste du Canada en 2009-2010, on peut considérer les quatre facteurs suivants :

  • la dépense globale par étudiant,
  • la richesse collective (définie par le PIB par habitant),
  • le taux de fréquentation scolaire (défini par la proportion que représente l’effectif scolaire total dans la population des 5 à 24 ans)
  • et le facteur démographique (défini par la proportion que représentent les jeunes de 5 à 24 ans dans la population totale). »

Par ailleurs, en chiffres absolus, le Québec dépense moins pour chaque élève inscrit dans les commissions scolaires que dans les autres provinces, soit 11 404$ contre 12 292$.  En revanche, la « dépense globale d’éducation par élève par rapport au PIB par habitant » est supérieure au Québec, soit 27,1% contre 26% ailleurs.

Cela dit, et il faut le noter, en dollars constants, la dépense globale par élève a augmenté de 20% entre 2004 et 2009, passant de 9500$ à 11 404$. 

Les choix découlant des conventions collectives ont aussi un impact sur le coût de l’éducation. Ainsi, le Québec compte au primaire et au secondaire 14,3 élèves par enseignant ,en baisse  depuis 1997 où le rapport était de 16,5. En revanche, le salaire moyen d’un enseignant était au Québec de 59 181$ contre 67 527$ ailleurs. Ce qui, estime le MELS,  est aussi un reflet du coût de la vie  plus bas ici qu’ailleurs.

Que retenir de ces multiples données ?

Le Québec diminue sans cesse ses dépenses en éducation au profit de la santé. Cela ne va pas cesser de sitôt, bien au contraire. La part cependant de notre richesse collective consacrée à l’éducation n’a heureusement pas diminué. Elle a même augmenté légèrement. La dépense globale par élève a augmenté significativement. Et quand on compare le Québec aux autres provinces, notre sort reste enviable.

Le budget consacré à l’éducation reflète ultimement nos choix collectifs, lesquels toutefois ne sont pas totalement libres. Le vieillissement de la population explique sans doute pour une bonne part la hausse du coût de la santé et la priorité que l’État lui accorde.

Quand François Legault répétait en campagne électorale qu’il voulait faire de l’éducation LA priorité, sans doute voulait-il dire qu’il voulait renverser la tendance observée depuis dix ans. Hélas, le budget de l’État n’obéit pas qu’aux désidérata des militants et de leurs chefs réunis en congrès. Il est aussi le reflet de contraintes structurelles incontournables.

Mais le budget est aussi le résultat du rapport des forces sociales. Celles-ci s’exercent de bien des manières. Le « printemps érable » en fut une manifestation majeure. Les Grandes Rencontres sur la persévérance scolaire en furent une autre tout aussi importante. La persévérance au secondaire se situe en amont de  l’enseignement supérieur. Elle mérite donc tout autant l’attention du gouvernement même si elle fut moins longue et moins tapageuse.

Que conclure à propos de la valorisation de l’éducation au Québec? Je n’ose le faire moi-même étant encore trop collé sur les courtes analyses proposées dans ces cinq derniers. J’invite plutôt les lecteurs a prolongé la réflexion ici-même.

* Pour l’interprétation complète et officielle des données qui suivent et qui sont forcément résumées, le lecteur est invité à prendre connaissance du texte intégral du document ministériel.

4- La valorisation de l’éducation dans les sondages d’opinion publique

La valeur d’une chose renvoie, écrivais-je dans le premier billet de cette série, à son prix sur le marché, à sa qualité intrinsèque ou à l’importance qu’on lui accorde. De très nombreux sondages permettent de le constater.

L’importance de l’éducation

Les sondages portant sur l’importance de l’éducation sont sujets à caution parce qu’ils font appel à la désirabilité sociale. Ainsi, en 2011, la Fondation Chagnon  a demandé aux Québécois: « Selon vous, est-il important ou non…

  • d’assurer une bonne connaissance de la lecture, de l’écriture et des mathématiques?
  • d’acquérir les habiletés pouvant mener à l’obtention d’un bon emploi?
  • De développer une attitude disciplinée par rapport aux études ?
  • D’acquérir les habiletés permettant de fréquenter un collège ou une université? ».

Entre 92% et 98% ont répondu : oui! Évidemment!

Plus pertinentes et plus informatives sont les questions qui obligent à juger de l’importance relative de divers éléments ou de les hiérarchiser. Ainsi, révèlent systématiquement les sondages, on  accorde  plus d’importance à l’apprentissage du français et des mathématiques qu’aux arts et l’enseignement de la religion.

Plus révélatrices encore sont les questions qui permettent de comparer l’importance accordée à l’éducation en regard d’autres aspects. Ainsi, la même Fondation Chgnon a en septembre dernier posé la question suivante : « Parmi les éléments suivants sur lesquels nos décideurs publics pourraient travailler au cours des prochaines années, lequel devrait constituer une priorité? » Chaque répondant devait choisir dans une première liste de quatre éléments le plus important des quatre et le moins important. L’opération a été reprise plusieurs fois de manière à ce que tous les éléments soient ainsi comparés à tous les autres. Voici le résultat:

  • La santé : 25%
  • L’éducation : 19%
  • Le niveau de taxation et d’impôt : 13%
  • La pauvreté : 13%
  • Le chômage : 12%
  • Les changements climatiques : 7%
  • La violence : 6%
  • La petite enfance : 5%

L’éducation a donc été choisie comme l’élément le plus important dans 19% des cas. Cette réponse est-elle satisfaisante? Peut-être pas. En 2010, la Fédération autonome de l’enseignement a invité les répondants à se prononcer sur l’affirmation suivante: « Le gouvernement pose déjà assez d’actions pour la promotion et la valorisation de l’école publique. » 56% se sont dits en désaccord.

De son côté, la Centrale des syndicats du Québec a demandé en 2006 : «  Diriez-vous que le présent gouvernement du Québec accorde suffisamment d’importance à l’éducation, trop ou pas assez? » 70% ont répondu : « Pas assez ». Si ces réponses ont pu réconforter les syndicats dans leurs revendications, elles étaient en revanche peu engageantes pour les répondants. J’y reviendrai.

La qualité de l’éducation

En 2008, la Fédération des commissions scolaires du Québec a posé cette question : « De façon générale […], diriez-vous que les écoles PRIMAIRES du Québec sont:

  • de très bonnes écoles;
  • d’assez bonnes écoles;
  • des écoles plutôt mauvaises;
  • de très mauvaises écoles ? »

La bonne nouvelle est qu’au total 92% ont répondu positivement. La moins bonne est que 72% ont dit : « d’assez bonnes écoles ». Bref, un jugement de valeur  plutôt mitigée : c’est l’équivalent d’un D, au mieux d’un C !

Claude Lessard qui préside le Conseil supérieur de l’éducation a fait remarquer aux Grandes Rencontres que l’école publique est dévalorisée par rapport à l’école privée. Les sondages lui donnent raison. En 2008, Le Devoir a demandé aux Québécois : « Selon vous, laquelle de l’école privée ou de l’école publique offre aux jeunes la meilleure formation ? » 55% ont répondu : l’école privée et 33% ont dit que la qualité était la même. Cette tendance est une constante.

La valeur marchande de l’éducation

La valeur de l’éducation équivaut au prix qu’il en coûte à l’État et donc aux citoyens pour se la procurer. Évidemment, il ne s’agit pas à proprement parler d’une valeur « sur le marché » puisque l’État est en situation de quasi-monopole. Il faut plutôt parler de sa capacité de payer, mais aussi des choix prioritaires qu’il fait entre ses différentes missions. Certes, les sondages sur les priorités gouvernementales ne font pas directement référence aux choix budgétaires. Quoi qu’il en soit, l’éducation ne tient généralement pas la première place. Loin de là: généralement, moins de 10% lui accordent la première place.  

Quand la Fondation Chagnon a demandé en 2011 aux Québécois s’ils seraient disposés à « payer plus d’impôt afin d’améliorer le système d’éducation au Québec », elle a frappé cette fois dans le mile: 40% ont répondu oui. C’est pas mal. Pourtant, 70% ont déjà répondu que le même gouvernement n’accordait pas suffisamment d’importance à l’éducation. Bref, on est pour le bien, à la condition  que cela ne fasse trop  mal à son porte-monnaie!

L’ensemble de ces résultats laisse perplexe. Pour ma part, la donnée la plus révélatrice de tous ces sondages porte sur le jugement que portent les Québécois sur la valeur qualitative de l’école publique. Et celle-ci est à leurs yeux plutôt, disons, ordinaire.

Note: on pourra pour une vision générale des sondages publiés avant 2009 consulté la banque de données opineduq.ca téléchargeable sur PC. Une édition nouvelle accessible directement en ligne sera disponible au printemps 2014.

Demain: 5- La valorisation de l’éducation en chiffres

3- LA VALORISATION DE L’ÉDUCATION – SA PLACE DANS LES MÉDIAS

Si l’éducation est une valeur, autrement dit si on lui accorde de l’importance, on peut penser que les médias devraient en traiter. Bien que, soutient Jean-François Dumas, pdg d’Influence Communication, les médias s’intéressent moins à ce qui est important qu’à ce qui est vendeur. Aussi, lit-on dans le rapport annuel de cette société, l’éducation est « un thème normalement presque absent de l’actualité ».

De mon côté, j’ai examiné la place qu’occupent quelques thèmes relatifs à l’éducation dans les principaux quotidiens du Québec. J’ai retracé la fréquence entre novembre 2011 et novembre 2012 de certains mots ou expressions s’y rapportant dans la banque de données Eurêka*

Évidemment, cette statistique ne porte que sur ces mots sans égards au contexte. Ils ne disent rien non plus de l’importance de la nouvelle ou du propos. Ils sont néanmoins un indicateur utile, surtout s’il s’agit de mots ou d’expression qui renvoient à des réalités précises.

Le tableau qui suit rend compte de mes trouvailles.

Mots  Devoir Presse Soleil Nouvelliste Tribune Quotidien Moy an Moy sem Can français
éducation

1634

1560 1676 1135 1477 1056 1016  21,5

40 871

école et éducation

551

518 512 423 501 314 404  8,1

14 763

enseignant/e

481

455 299 370 360 255 319  6,4

10 585

enseignant/e et éducation ou école

318

271 269 229 246 163 215  4,3

7620

commission scolaire

208

252 269 337 414 365 264  5,3

8330

ministère de  l’Éducation

112

129 108 81 101 66 86  1,7

2707

persévérance scolaire / décrocheur

35

26 28 30 61 31 30  0,6

1177

Ce qui frappe au premier abord, c’est l’importance de l’occurrence du mot « éducation ». On le retrouve en moyenne 1016 fois dans les six quotidiens, soit près de 22 fois par semaine.  Le Soleil de Québec est le champion avec 1676 occurrences, soit plus de 33 fois par semaine. Dans l’ensemble des médias écrits du Canada français, on compte 40 871 occurrences du mot éducation pur toute l’année. Même le thème très spécifique de la persévérance scolaire revient en moyenne presque au quatre jour.

La variation du nombre d’occurrences d’un même thème d’un quotidien à l’autre retient aussi l’attention en ce qu’elle n’est pas si grande. Peut-être retiennent-ils en bonne partie les mêmes nouvelles. Une étude plus approfondie à cet égard permettrait de vérifier ce qui constitue le noyau dur de l’actualité en éducation, c.-à-d.  quand on retrouve en même temps la même nouvelle dans tous les quotidiens du Québec. Ce serait donc ce qui, a priori, est apparu le plus important ou, vu du point de vue de M. Dumas, ce qui est le plus vendeur! Pour avoir été reporter à l’éducation pendant 16 ans au Devoir, et m’être battu « pour la une», j’ai des réserves sur sa vision des choses.

Par ailleurs,, cette analyse sommaire ne tient pas compte de la place que l’éducation occupe ni dans les hebdos régionaux,  ni dans les médias électroniques. A priori, j’ai le sentiment qu’elle est moins importante que dans les imprimés. N’empêche, un site comme AMEQ en ligne diffuse chaque jour une bonne trentaine des communiqués émis par les institutions scolaires. Plusieurs sont sans doute repris, surtout dans les médias régionaux. Au surplus, la place de l’éducation va croissante dans les médias sociaux. Ainsi, on trouve un nombre important de blogues consacrés à l’éducation.

On retiendra de ce coup de sonde que l’éducation occupe dans nos quotidiens une place significative, du moins à mes yeux.  Cette place témoigne de l’importance sociale que les patrons de presse lui accordent.  D’autant qu’au moins la moitié d’entre eux affecte un journaliste à sa couverture quotidienne.

* Le Journal de Montréal et le Journal de Québec n’y sont toutefois pas répertoriés. J’ai aussi omis Le Droit d’Ottawa qui couvre Ottawa, mais aussi l’Outaouais québécois.

Demain: la valorisation de l’éducation dans les sondages d’opinion

2- LES INDICATEURS DE VALORISATION DE L’ÉDUCATION DANS NOS ENVIRONNEMENTS IMMÉDIATS

Les premiers indicateurs de la qualité de l’éducation autant que de son importance s’observent dans le discours et les pratiques au sein des milieux où chacun vit.

Ainsi, s’agissant de la qualité de l’éducation, les parents cherchent à se faire une opinion sur telle ou telle école, sur tel ou tel enseignant. Ils questionnent parents, amis, collègues à cet égard. Ils consultent les encarts publicitaires dans les journaux et les palmarès. Ils fréquentent les « portes ouvertes », etc.

D’autres indices témoignent plutôt de l’importance de l’éducation. Ainsi, bien des parents aident leurs enfants à faire leur devoir ou regrettent de ne pas le faire suffisamment en raison de leurs horaires de travail chargés. Néanmoins, ils scrutent leurs bulletins, se présentent aux rencontres avec les enseignants, portent attention à l’agenda de leurs enfants et aux messages qu’ils y trouvent.

L’attrait de l’école privée et des filières particulières, voire sélectives, à l’école publique, traduit à la fois comment les parents, surtout au sein des classes moyennes, accordent à la fois de l’importance à l’éducation, mais en même temps à sa qualité. Mais cet attrait révèle aussi  leurs inquiétudes. 

Le choix massif des parents et des adolescents pour la formation générale au secondaire plutôt qu’à la formation professionnelle constitue aussi un autre indicateur de la valeur personnelle et sociale de l’enseignement supérieur. Il  demeure pour beaucoup l’idéal à atteindre. La mobilisation étudiante du printemps érable, malgré ses ambiguïtés, en témoigne aussi.

La crainte partagée par 38% des parents (selon le récent sondage Léger Marketing mené par la Fondation Chagnon) de voir leurs enfants décrochés de l’école fournit à sa manière un indice des avantages que procure l’éducation. Et la proportion grimpe à 55% chez ceux et celles dont le revenu du ménage est de 20 000$ et moins. L’éducation n’est donc pas une valeur partagée par les seuls mieux nantis. La guerre déclarée au décrochage qui rallie maintenant une très large coalition d’acteurs, aussi bien au sein des institutions d’éducation que dans la société civile,  est éloquente. Les troisièmes Grandes rencontres sur la persévérance scolaire qui réunissaient, début de semaine, quelque 1400 personnes marquent à cet égard un sommet. L’objectif  d’atteindre en 2020 un taux de diplomation à l’ordre secondaire de 80% avant l’âge de 20 ans constitue sans conteste un indice significatif de nos aspirations. Et il est en voie de réalisation grâce aux efforts soutenus et coalisés du milieu.

D’autres signes sont révélateurs. Ainsi, les prix d’excellence de toutes sortes se multiplient. De nouveaux blogues apparaissent chaque semaine, dont certains créés par les élèves comme outils pédagogiques. De même, la société civile voit naître en son sein de multiples associations à caractères éducatifs qui font la promotion de l’éducation. L’émergence relativement récente chez nous de quelques grandes fondations consacrées à la promotion de l’éducation participe au même mouvement. À leurs manières, les critiques médiatiques, pas toujours fondées, de notre système d’éducation rendent compte de l’importance qu’on lui attache.

On ne saurait toutefois tomber dans un optimisme béat. Ainsi, chez les parents, l’intérêt certain pour l’éducation revêt  presque exclusivement un caractère individuel. En témoigne leur peu de participation aux élections chargées d’élire leurs représentants au sein des conseils d’établissement. Il en est de même pour l’absence même d’« organismes de participation des parents » dans nombre d’écoles. De même. les taux faméliques aux élections scolaires en est venu à constituer un enjeu touchant l’existence même des commissions scolaires.

Surtout, l’école comme le faisait remarquer mercredi, Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l’éducation, pour l’heure, c’est l’école privée qui est valorisée dans l’opinion alors que l’école publique est dévalorisée. D’ailleurs, ajouterai-je, les commissions scolaires ont inventé toutes sortes de filières pour concurrencer (donc ajouter de la valeur) l’école privée au sein des écoles qu’elles administrent. Cela tient sans doute au mauvais départ que l’école secondaire a connu lors de son explosion à la fin des années 60.

Au total, néanmoins, ce bilan des indicateurs informels sur la qualité et l’importance de l’éducation m’apparaît largement positif.

Lundi : La valorisation de l’éducation dans les médias.

1- LES QUÉBÉCOIS VALORISENT-ILS L’ÉDUCATION?

Cette semaine avaient lieu au Palais des congrès les Grandes rencontres sur la persévérance scolaire. Dans l’atelier où je suis intervenu avec trois autres « experts » (!), on y a traité  de « la valorisation de l’éducation ».

Pour ma part, j’ai choisi de traiter des indicateurs de cette valorisation. Autrement dit, comment sait-on si la société québécoise accorde ou non, ou dans quelle mesure, de la valeur à l’éducation. Évidemment, il n’existe pas une telle chose qu’une unité de mesure de cette activité humaine! C’est donc indirectement qu’il est possible de répondre à la question, en cherchant les signes, les indices d’une telle valorisation.

Mais encore faut-il définir ce que l’on entend par valeur. Mon dictionnaire Antidote m’en a fourni trois définitions:

1- « Caractère mesurable d’un objet en tant que susceptible d’être échangé, d’être désiré, d’être vendu ».

C’est la valeur en soi ou objective, dite aussi marchande. Ainsi, on sait ce que coûte une Mercedes. Mais on connaît aussi le prix des services éducatifs sur le marché privé. Par exemple, le coût de l’école privée. Ou encore le coût par personne de la formation de chaque élève de la maternelle à l’université et donc indirectement le prix que l’on paie en impôt à cette fin.

2- « Qualité essentielle d’un objet qui le fait apprécier par la personne qui la possède ».

C’est la valeur pour soi ou subjective, souvent inestimable monétairement. Par exemple,  la remarquable photo de mariage de l’arrière-grand-père et de l’arrière-grand-mère. Ou encore telle école hors du commun que fréquente son enfant, voire de l’éducation reçue dans son enfance.

3- « Importance que quelqu’un attache à quelque chose; ce en quoi quelque chose est digne d’intérêt ».

C’est la valeur idéale, celle que l’on recherche, que l’on désire, qui ultimement fait rêver. C’est en ce sens que l’on se parle de la valorisation de l’éducation par les Québécois.

Cela dit, la valeur d’un objet, peu importe sa nature, est une réalité variable.

  • En fonction du temps qui passe. Jusqu’en 1950, l’éducation n’était guère valorisée, sauf pour et par les élites dans une société qui considérait la hiérarchie sociale comme une chose normale, voire voulue par Dieu!
  • En fonction de la position sociale de chacun. Un Paul Desmarais a jugé bon faire étudier ses fils en Suisse! Mme Côté, femme séparée d’Hochelaga-Maisonneuve, n’a guère le choix de l’école pour ses enfants.
  • En fonction de l’éducation déjà acquise. Jadis, les professionnels passés par le collège classique y envoyaient leurs enfants. Etc.

Mais parler de la valeur de l’’éducation en général ne nous avance guère. C’est abstrait. En fait, les gens valorisent tel type d’éducation, tel type d’école, tel type d’enseignement. Ils le font en fonction de leur système général de valeurs, de leurs aspirations sociales (ou économiques) ou encore des idéologies qu’ils partagent avec d’autres,

Par exemple, la distribution des matières dans le curriculum ou le « poids » qu’on leur accole ou non pour la diplomation, montrent bien qu’elles n’ont pas tous la même valeur sur ce « petit marché » qu’est l’école.  Pensons au projet d’enseigner intensivement l’anglais en 6e année!

Demain : 2- Les indices de valorisation dans nos environnements immédiats  

UNE ENTREVUE À RADIO VILLE-MARIE SUR L’ÉDUCATION

J’ai participé mercredi dernier à l’émission Foi et Turbulences sur les ondes de Radio Ville-Marie. J’y ai donné une longue entrevue sur les thèmes d’actualité en éducation. Les  intéressés pourront  l’entendre en cliquant ici [ Note: Le lien est momentanément désactivé]. Il y a été question des cinquante du rapport Parent, des enseignants, des commissions scolaires, de l’évolution  de l’école québécoise, etc.