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1- LES QUÉBÉCOIS VALORISENT-ILS L’ÉDUCATION?

Cette semaine avaient lieu au Palais des congrès les Grandes rencontres sur la persévérance scolaire. Dans l’atelier où je suis intervenu avec trois autres « experts » (!), on y a traité  de « la valorisation de l’éducation ».

Pour ma part, j’ai choisi de traiter des indicateurs de cette valorisation. Autrement dit, comment sait-on si la société québécoise accorde ou non, ou dans quelle mesure, de la valeur à l’éducation. Évidemment, il n’existe pas une telle chose qu’une unité de mesure de cette activité humaine! C’est donc indirectement qu’il est possible de répondre à la question, en cherchant les signes, les indices d’une telle valorisation.

Mais encore faut-il définir ce que l’on entend par valeur. Mon dictionnaire Antidote m’en a fourni trois définitions:

1- « Caractère mesurable d’un objet en tant que susceptible d’être échangé, d’être désiré, d’être vendu ».

C’est la valeur en soi ou objective, dite aussi marchande. Ainsi, on sait ce que coûte une Mercedes. Mais on connaît aussi le prix des services éducatifs sur le marché privé. Par exemple, le coût de l’école privée. Ou encore le coût par personne de la formation de chaque élève de la maternelle à l’université et donc indirectement le prix que l’on paie en impôt à cette fin.

2- « Qualité essentielle d’un objet qui le fait apprécier par la personne qui la possède ».

C’est la valeur pour soi ou subjective, souvent inestimable monétairement. Par exemple,  la remarquable photo de mariage de l’arrière-grand-père et de l’arrière-grand-mère. Ou encore telle école hors du commun que fréquente son enfant, voire de l’éducation reçue dans son enfance.

3- « Importance que quelqu’un attache à quelque chose; ce en quoi quelque chose est digne d’intérêt ».

C’est la valeur idéale, celle que l’on recherche, que l’on désire, qui ultimement fait rêver. C’est en ce sens que l’on se parle de la valorisation de l’éducation par les Québécois.

Cela dit, la valeur d’un objet, peu importe sa nature, est une réalité variable.

  • En fonction du temps qui passe. Jusqu’en 1950, l’éducation n’était guère valorisée, sauf pour et par les élites dans une société qui considérait la hiérarchie sociale comme une chose normale, voire voulue par Dieu!
  • En fonction de la position sociale de chacun. Un Paul Desmarais a jugé bon faire étudier ses fils en Suisse! Mme Côté, femme séparée d’Hochelaga-Maisonneuve, n’a guère le choix de l’école pour ses enfants.
  • En fonction de l’éducation déjà acquise. Jadis, les professionnels passés par le collège classique y envoyaient leurs enfants. Etc.

Mais parler de la valeur de l’’éducation en général ne nous avance guère. C’est abstrait. En fait, les gens valorisent tel type d’éducation, tel type d’école, tel type d’enseignement. Ils le font en fonction de leur système général de valeurs, de leurs aspirations sociales (ou économiques) ou encore des idéologies qu’ils partagent avec d’autres,

Par exemple, la distribution des matières dans le curriculum ou le « poids » qu’on leur accole ou non pour la diplomation, montrent bien qu’elles n’ont pas tous la même valeur sur ce « petit marché » qu’est l’école.  Pensons au projet d’enseigner intensivement l’anglais en 6e année!

Demain : 2- Les indices de valorisation dans nos environnements immédiats  

L’ÉCOLE PRIVÉE, UN DÉBAT SUR NOS VALEURS

Il  y a deux ou trois semaines, la ministre de l’Éducation, Mme Marie Malavoy créait un émoi certain en déclarant au Devoir que dorénavant seuls les établissements privés qui accueilleraient des élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage seraient subventionnés.

Je me suis moi-même déjà prononcé sur la nécessaire démocratisation de l’école privée, i.e. sur son obligation morale d’accueillir tous les élèves indépendamment de leurs talents et de la fortune de leurs parents. Si en effet, comme le proclament nos chartes, l’accès à l’école privée est un droit, il doit pouvoir s’exercer en plein égalité. Mais je n’ai pas fait consensus, tant s’en faut!

Ce n’est pas surprenant, car sous-jacentes au débat sur l’école privée, logent ultimement les valeurs auxquelles chaque parent, chaque éducateur, chaque citoyen, chaque politicien adhèrent. Rien n’illustre autant cela que cette déclaration du pape Jean-Paul II faite devant des éducateurs catholiques lors de son voyage au Canada, en 1984 que je cite pour mémoire:

« En même temps que les écoles catholiques sont toujours vouées au développement intellectuel, nous leur rappelons aussi l’impératif évangélique d’être au service de tous les élèves, et non seulement de ceux qui sont les plus brillants et les plus prometteurs. Ainsi, en accord avec l’esprit de l’Évangile et son option pour les pauvres, elles porteront leur attention particulièrement sur ceux qui en ont le plus besoin ».

Bon nombre de nos établissements privés se réclament encore de la tradition chrétienne, ayant été fondés par des institutions religieuses (v.g. : le collège Brébeuf fondé par les jésuites), ou leur appartenant encore (v.g. : Régina Assumpta,  propriété de la Congrégation Notre-Dame). Le président actuel de la Fédération des établissements privés du Québec, M. Jean-Marc St-Jacques, du collège Bourget, est pour sa part toujours membre de la Congrégation des Clercs de Saint-Viateur.

Pour ces institutions, mais aussi pour tous ceux qui se réclament de la tradition chrétienne, et pourquoi pas, pour tous ceux qui s’intéressent à l’éducation, la déclaration du Jean-Paul II m’apparaît, dans le contexte de l’actuel débat, un excellent sujet de réflexion.